Le droit à la différence

Nous vivons une époque d’immense changement et de grand désarroi.

Les propositions sociétales qui nous sont faites sont si pauvres, l’absence de vision est si grande que la tentation de glisser vers une simplification à outrance pour masquer notre impuissance est devenue comme une norme. Et nous nous retrouvons coincés entre le pour et le contre à propos de n’importe quoi. Nous sommes devenus prisonniers de l’esprit de système.

La pensée est devenue si binaire qu’il semble n’y avoir plus de place pour une idée ou un rêve exprimé hors du cadre. Pourtant nous sommes tous hors du cadre. La vie est hors cadre. Cette boite qui semble nous enfermer a besoin d’une foisonnante « biodiversité ». Nous sommes cette « biodiversité ». Nos différences, nos bêtises, nos passions, notre amour de la vie demandent à être visibles. Il est temps pour nous d’oser à nouveau respirer et exprimer qui nous sommes. Pas dans la colère ni la rage mais dans la fermeté et la dignité. Être ceci ou cela ne pourra jamais nous définir. Nous ne sommes pas ça ou ça. Nous sommes infiniment plus.

Parmi nous existent de doux rêveurs qui sont des visionnaires. Des êtres qui ont des aspirations tellement profondes qu’ils ne parviennent pas à jouer le jeu de notre monde. Ils ne sont pas pour ou contre, ils sont à côté, ils sont ailleurs. Ces gens là ont une vision intérieure qui nous est vitale aujourd’hui. Ces êtres particuliers qui ont été repoussés vers les bords sont l’avenir de demain. Ceux qui ont tenu bon, honorant leur rêve qu’ils ne pouvaient détruire mais qui par fatalisme ont appris à se taire. Ceux qui ont souffert de cet isolement en silence sans pour autant souhaiter de mal à personne, ceux là doivent être aidés et soutenus pour se mettre à parler.

La vie nous a préparés à ce temps, elle nous a travaillés, polis, assainis, assouplis et parfois sérieusement malmenés. Tout ceci a un sens: être prêt à tenir bon face à l’adversité. Regardons autour de nous. Soit nous faisons partie de ces visionnaires, soit nous en connaissons et il nous faut aller les chercher pour leur dire qu’ils nous sont essentiels. Leurs rêves auparavant dénigrés sont notre plus belle chance d’avenir et plus ils seront divers plus la terre sera riche et belle. Nous avons besoin d’hommes et de femmes paisibles qui s’affichent sans colère, sans vouloir tout détruire mais sans non plus vouloir se taire.

Le monde dont je rêve est bienveillant. Il ne considère pas l’autre, celui qui ne pense pas comme moi comme un traitre ou un ennemi. Il ne considère pas que mon seul point de vue est le bon. Il accepte le dialogue et même la confrontation. Pas pour convaincre l’autre mais plutôt pour l’entendre et pour me faire entendre. Nous devons réapprendre le dialogue, la musique, la symphonie avec des airs nouveaux et des compositions nouvelles. Et ces nouvelles partitions, certains les ont déjà muri dans leur cœur depuis des décennies. Ceux là sont déjà prêts. Peut être pas dans la forme puisqu’aujourd’hui tout est neuf, mais dans le fond sûrement. Ils savent se dont ils rêvent et pourraient nous l’offrir.

C’est à nous d’aller les trouver et de les protéger afin qu’ils osent dire au monde ce qu’ils ont découvert. Comme le dit Jean Birnbaum dans la vidéo ci-dessous: « Il y a une sorte de fraternité souterraine entre tous les gens qui étouffent au milieu de ceux qui croient avoir raison ». A nous de prendre le risque de devenir ouvert à la révolution tendre et radicale que ces visionnaires ont à nous offrir.

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 » Nous étouffons parmi les gens qui croient avoir absolument raison,
que ce soit dans leurs machines ou dans leurs idées. Et pour tous
ceux qui ne peuvent vivre que dans le dialogue et l’amitié
des hommes, ce silence est la fin du monde. « 

Albert Camus, Le Siècle de la Peur (Combat, 1948)

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Je vous propose une belle interview de Jean Birnbaum, journaliste et directeur du « Monde des livres » (supplément hebdomadaire du journal Le Monde) qui revendique avec tendresse la nécessité de la nuance.

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